Le retard d’approvisionnement en farine, le maintien du prix de cette dernière depuis 2014, l’augmentation des charges, la stagnation des recettes et l’absence de versements des droits financiers de la part de l’Etat quinze mois durant, autant de problèmes auxquels sont confrontés les maîtres-boulangers…
Aller acheter du pain est redevenu le calvaire quotidien des Tunisiens. Patienter en file indienne pendant près d’une heure pour décrocher, enfin, deux ou trois baguettes, voilà le rituel auquel sont tenus, contraints, les clients des boulangeries du Grand-Tunis ainsi que d’autres gouvernorats. C’est que le pain n’est plus aussi disponible comme à l’accoutumée. Une denrée rare. Cette réalité des choses gêne les consommateurs et rend la vie dure aux professionnels du métier.
Il faut dire que cette situation dure depuis des mois avec, néanmoins, des périodes de répit. Le manque de pain prêt à la vente revient au manque de l’ingrédient de base qu’est la farine, suite notamment aux retards d’approvisionnement, devenus quasi habituels. «Les perturbations survenues au niveau de l’activité des boulangeries aux débuts des mois sont dues aux retards en matière d’approvisionnement en farine, principal ingrédient pour la préparation du pain. Les boulangers ont pris l’habitude de gérer ce retard, un tant soit peu, surtout qu’il ne perdure pas au-dela du 6 de chaque mois. Cependant, pour ce mois-ci, cette denrée se fait toujours attendre, chose qui a poussé les boulangeries à rationnaliser la production du pain», explique M. Yahia Moussa, président intérimaire de la Chambre syndicale nationale des boulangers.
Certes, le problème se pose avec disparité ; dans certaines régions, l’activité des boulangeries marche comme sur des roulettes. Ce n’est point le cas pour d’autres. Cependant, à défaut de mesures durables car radicales, il risque d’entraver le bon fonctionnement d’une production, le moins que l’on puisse dire, vitale et essentielle !
Plus de boulangeries, plus de farine !
Le retard d’approvisionnement des boulangeries en farine est dû au retard d’approvisionnement des fournisseurs en blé. Manifestement, toute la chaîne est placée sous le signe du retardement, mais aussi du manque des denrées de base. La preuve: pour remédier à la situation, l’Etat a injecté des quantités exceptionnelles de farine pour faire face à la pénurie durant le trimestre juillet/septembre, soit 1.300.000 quintaux. «En été, le manque de pain se fait de plus en plus sentir, puisque la saison est propice aux cérémonies et donc à une consommation plus accrue de pain.
D’autant plus qu’en été et vu que la majorité de la population active se dirige vers les boulangeries pratiquement en même temps, garantir les quantités suffisantes au consommateur n’était pas évident sans les mesures prises par l’Etat pour garantir l’approvisionnement en farine», poursuit M. Moussa.
Pour une solution durable !
Toutefois, la pression sur les boulangeries persistera tant que le retard en approvisionnement perdure. «Nous avons interpellé l’ex-cheffe du gouvernement, Mme Najla Bouden, sur la question afin de convertir cette mesure prise à titre exceptionnel en une mesure durable.
Il s’agit d’une décision qui s’impose vu l’augmentation du nombre des boulangeries», renchérit-il.
En effet, l’évolution de ce métier vital se traduit par la hausse du nombre des unités de vente du pain, lesquelles sont passées de 2.500 boulangeries en 2008 à 3.500 actuellement. Force est de constater qu’en 2008, les boulangeries utilisaient 5.600.000 quintaux de farine par an.
Actuellement, et en dépit de l’évolution du domaine, les quantités de farine fournies aux boulangeries n’excèdent point les 6 millions de quintaux par an. D’où la nécessité de renforcer l’approvisionnement des boulangeries en farine par 1.300.000 quintaux supplémentaires.
L’Etat doit 300 millions de dinars aux boulangers !
Outre le problème d’approvisionnement en ingrédients, de base, les boulangers assument à eux seuls l’augmentation du coût du pain. Pour être clair, et selon M. Moussa, l’Etat est redevable de 300 millions de dinars aux boulangers. Cette somme représente, d’après lui, un droit au remboursement sur une période de quinze mois. Il faut dire que la production du pain fait partie des secteurs de l’Etat. Ce dernier doit accorder aux professionnels une marge de bénéfice fixée à 6,5% pour le pain de grand format et à 10% pour la baguette.
Notons qu’un quintal permet de produire 308 unités de pain de grand format. Pour la production de la baguette, un quintal donne 559 baguettes. Les recettes sont calculées, évidemment, selon le prix du pain, soit 230 millimes pour le pain de grand format et 190 millimes pour la baguette. «Les recettes sont claires. Elles sont les mêmes depuis bien des années. Entre-temps, les charges ont grimpé d’un cran. Rien que le salaire des boulangers suffit pour alourdir les charges. Sans oublier l’entretien des équipements, etc», explique M. Moussa.
Finalement, semble-t-il, l’équilibre entre les charges et les recettes fait défaut. Pour le rétablir, poursuit-il, l’Etat a tendance à réduire le prix de la farine. «Or, cette solution a été délaissée depuis 2014. Le prix de la farine est maintenu depuis et ce sont les boulangers qui assument la différence. Nous demandons à l’Etat de nous verser notre argent, soit 300 millions de dinars», insiste M. Moussa, en conclusion.